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Protocole pluriannuel : un marché de dupes ?

26 avril 2016

Face à la baisse de la Nomenclature de 2016, équivalente à 33 millions d’euros au 31 décembre 2016, certains dénoncent un accord de dupes. Comme si l’accord signé en 2013 devait garantir l’absence de baisses sur la période 2015-2017, ce qui n’a jamais été convenu. Et comme si le bilan ne devait pas être fait en fin de période.

Il est certain que l’accord repose sur une mécanique complexe facile à décrier et qu’il faudra simplifier à l’avenir. Mais il n’en reste pas moins que sans protocole, le Directeur de la CnamTS aurait décidé seul des baisses autoritaires qui, si l’on se fie à ce qui s’est passé pendant huit années consécutives, auraient coûté aux LBM, sur la période, entre 360 et 450 millions d’euros. Au contraire, on peut s’attendre à ce que la profession ait un sous-exécuté évalué à environ 79 millions d’euros. Mais il est nécessaire de se pencher sur le mécanisme complexe de fonctionnement de l’accord et de ses enjeux. Cela permet de mieux comprendre pourquoi il est dangereux de le dénigrer.

 

​Une mécanique complexe, facile à dénigrer


Le protocole Cnamts/Profession 2014-2017 a établi de façon négociée une « enveloppe » de biologie médicale de 3 684 millions d’euros en 2014, de 3 693 millions d’euros en en 2015, et de 3 703 millions d’euros en 2016.

Chaque année, en fonction des montants de dépenses arrêtés par la CnamTS et validés par la Cour des comptes, un sur ou un sous-exécuté est constaté au regard de ces enveloppes. Toutefois, en raison des retards de présentation au remboursement et des procédures administratives, les chiffres réels consolidés donnant lieu à l’ajustement ne sont connus que deux ans après. Ainsi, à ce jour, seuls les chiffres de 2014 sont connus et révèlent un sous-exécuté de 42 millions d’euros en faveur de la profession. Pour 2015, le sous-exécuté sera vraisemblablement de 37 millions d’euros et arrêté définitivement en juin 2017.

Alors pourquoi une baisse de la Nomenclature a-t-elle été décidée pour 2016 ? Contrainte par la Loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) annuelle, la CnamTS, elle, n’attend pas deux ans pour ajuster la Nomenclature. Comme elle le fait depuis dix ans, elle établit une prévision d’activité pour l’année en cours, la confronte à l’enveloppe prévue et calcule ainsi la baisse en fonction de cette prévision… qui  sera confirmée ou infirmée deux ans plus tard.

La belle mécanique statistique de la CnamTS a été perturbée par deux années exceptionnelles. Alors que la Caisse avait établi ses prévisions sur des activités augmentant comme d’habitude de 3 % environ, 2014 et 2015 ont été marquées par une baisse sensible de l’activité de la profession due à la maîtrise, encouragée par la profession, des prescriptions de dosage de la vitamine D ainsi qu’à deux mois - janvier et février 2015 – catastrophiques en termes de chiffre d’affaires. D’un commun accord, et sans qu’il y soit contraint par le protocole, Nicolas Revel, Directeur général de la CnamTS, a décidé de suspendre l’arrêté de Nomenclature déjà prêt à être publié au titre de 2015 (65 millions d’euros). Il n’y a donc pas eu de baisse au titre de 2015 et la baisse en cours l’est au titre des prévisions pour 2016, année marquée par un regain d’activité que chacun peut constater, même si le chiffre de +3 % est contestable.

Ainsi, au total, et en admettant que la prévision 2016 justifiant la baisse actuelle se vérifie, sur la période 2015-2017, on peut s’attendre à ce que la profession récupère au final un sous-exécuté d’environ 79 millions d’euros (42 vérifiés pour 2014, et 37 pour 2015, à constater en juin 2017). Quant au bilan 2016, il sera établi en juin 2018.

Aujourd’hui, à la lecture stricte de l’accord, tout ce que l’on peut affirmer, c’est que la profession a accepté d’être créditrice de 42 millions d’euros au titre de 2014 et la CnamTS de ne pas appliquer une baisse de 65 millions d’euros au titre de 2015, ce qui paraît plutôt équilibré. En outre, le SDB n’a aucunement l’intention de renoncer au sous-exécuté de 79 millions d’euros qui devra être soldé d’une manière ou d’une autre. Chacun en jugera in fine.



Pourquoi est-il dangereux de dénigrer aujourd’hui le protocole ?


Pourquoi certains attaquent-ils le protocole en traitant de « dupes » ceux qui l’ont signé et qui l’assument ?

Le fait qu’ils se focalisent sur une somme représentant 0,021 % de l’enveloppe, soit à peine un jour de biologie sur 365, relativise l’enjeu sur lequel ils fondent la polémique.
En revanche, ce qui est plus inquiétant, c’est que les intéressés semblent nostalgiques d’une époque dont ils restent les seuls témoins : une époque où la réunion annuelle avec la CnamTS consistait à se faire remettre l’addition décidée par l’Assurance maladie sans ne rien pouvoir faire de plus que protester mollement. Une époque qui, faut-il le rappeler, a duré dix ans.

Chaque biologiste médical est également un décisionnaire, responsable pour son laboratoire. À ce titre, il a parfaitement conscience que ce protocole est un moindre mal. Auparavant, nous étions confrontés à une croissance des volumes avec une stagnation du chiffre d’affaires et une baisse des tarifs, donc à un effondrement des marges. À présent, nous n’avons certes toujours pas de croissance du chiffre d’affaires ou très minime, mais nous stabilisons les volumes et donc les marges.

Ce protocole n’est pas une fin en soi. Cependant, force est de constater qu’il a permis de stopper une spirale infernale d’une décennie. Il doit désormais servir de base à une nouvelle politique que le SDB et le SLBC veulent insuffler dans le cadre d’un prochain accord. En l’occurrence :

  • affirmer qu’au regard de la progression des autres professions de santé,  les enveloppes doivent progresser ;
  • négocier avec la Caisse une participation de la profession aux opérations hors Nomenclature comme les dépistages, lesquelles ne doivent pas profiter qu’au seul Cerba ;
  • simplifier le mécanisme de l’accord en se basant sur des chiffres réels plutôt que sur des prévisions.


Nous avons une responsabilité collective. Seule l’unité syndicale de 2013, symbolisée par la mobilisation de la PEP, a permis de poser cette première pierre. Or, il a quand même fallu dix-huit mois pour y parvenir… Ceux qui prennent le risque de rompre cette unité syndicale sur ce point prennent une lourde responsabilité devant la profession. En effet, il n’est pas du tout acquis que nos interlocuteurs, en particulier le ministère de la Santé et la Cour des comptes (qui continue à réclamer une baisse de 500 millions d’euros des tarifs de biologie sur trois ans, ce qui signifierait  la mort de la biologie de proximité), donnent leur feu vert à la CnamTS pour négocier de nouveau un tel accord. Il faudra certainement que la profession se mobilise fortement et affiche une unité retrouvée. Mais les détracteurs actuels de l’accord s’en soucient-ils vraiment ? 

Dernière modification le samedi, 16 juillet 2016