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COMMUNIQUÉ DE PRESSE

Séquençage : Il est temps de sortir des vieux schémas si nous voulons vraiment lutter plus rapidement contre la pandémie

03 février 2021

Par François Blanchecotte, Président du SDB - Il y encore peu, l’arrivée des vaccins nourrissait l’espoir d’une sortie de crise sanitaire proche. Mais l’émergence des variants a profondément changé la physionomie de la pandémie. Au-delà de l’assurance donnée par un test RT-PCR qui détermine si vous êtes porteurs ou non du virus et de son ARN, la variation de son génome relance les questions de contagiosité, de morbidité, voire de protection par les vaccins.

L’État se voit donc contraint d’appeler à nouveau à la mobilisation générale des acteurs de santé. En particulier pour dépister et repérer la présence des variants dans la population. Les biologistes médicaux privés y sont prêts. Mais il semble que toutes les leçons du printemps 2020 n’aient pas été tirées. En tout cas concernant le domaine du diagnostic.

En effet, l’État aurait pu identifier le(s) variant(s) plus rapidement grâce aux techniques de séquençage, mais il a préféré que les fournisseurs fassent évoluer leurs réactifs et perdant ainsi du temps.

Or les enjeux sont clairs. Depuis quelques semaines, nous sommes confrontés à l’arrivée successive des variants anglais, puis sud-africain, brésilien et bientôt californien… et d’autres sont à craindre. Pour adapter la réponse sanitaire, il est donc indispensable de savoir comment les différents variants se répandent dans la population. Pour cela, nous avons à notre disposition deux principales techniques de diagnostic :

  • soit utiliser le séquençage de l’ARN du virus dans sa totalité, ce qui présente l’avantage de pouvoir relire plus tard les séquences identifiées lors de la première analyse et ainsi pouvoir dater rétrospectivement la présence d’un variant identifié ;
  • soit faire évoluer les réactifs des RT-PCR à chaque identification de modification du génome et donc à chaque apparition d’un nouveau variant.

Après une première période durant laquelle la seconde option a été privilégiée, l’État s’est intéressé à celle du séquençage. Interrogés par les tutelles, l’ensemble des groupes de laboratoires privés ont répondu sur leur capacité (réelle) à réaliser cette opération à grande échelle, fournissant également les délais et détaillant leur organisation pour envoyer les fichiers de séquençage au CNR (Centre national de référence). L’Assurance maladie s’est montrée très favorable à leur mobilisation dans le dispositif (peut-être parce qu’elle a pu constater, chiffres à l’appui, l’efficacité du secteur privé ?). Mais il en a été tout autrement.

L’administration a constitué un réseau d’unité de séquençage uniquement public. Que s’est-il passé ? 

Rappelons que les biologistes médicaux libéraux et leurs équipes avaient déjà été tenus à l’écart au tout début de la pandémie avant d’être appelés à la rescousse. Nous nous étions alors totalement engagés, améliorant sans cesse nos performances, notre productivité et nos délais de rendu de résultat et ce, en des temps records. A tel point qu’au plus fort des vagues précédentes, les laboratoires privés de ville ont pu assurer plus de 80 % des tests de dépistage.

Aujourd’hui, nous avons le désagréable sentiment de revivre la période de février 2020 où l’administration pensait que seul le secteur public était en capacité de répondre à ses demandes.

Cela pourrait prêter à sourire et être renvoyé à la sempiternelle guerre de chapelles public/privé. Sauf que notre pays ne sortira pas de cette pandémie sans la mobilisation de tous les acteurs. Une vaste opération de cartographie de l’évolution des variants réalisée en quelques jours par la mobilisation de tous les laboratoires du pays, publics comme privés, aurait permis de disposer des informations fiables et utiles pour prendre les bonnes et justes décisions sanitaires. 

Ce nouvel épisode illustre une fois de plus que nous sommes loin d’être sortis de l’hospitalo-centrisme qui bloque l’évolution de notre système de santé, malgré les discours et les plans de transformation. Même une pandémie comme celle que nous vivons n’arrive pas à mettre à bas cette donne immuable et dorénavant dangereuse pour la population.

S’il le faut et si, comme au printemps dernier, nous sommes finalement appelés au secours, nous répondrons présents. Parce que c’est notre devoir de professionnels de santé. Mais que l’on ne vienne pas, quelques semaines plus tard, nous reprocher des délais trop longs ou des queues « inacceptables » devant nos laboratoires !


Nous sommes prêts et demandeurs du changement. Pas pour prendre la place de nos confrères du secteur public. Nous avons toujours affirmé que la coordination et la complémentarité des deux secteurs sont essentielles à la France et à notre système de santé. Cette crise sanitaire était l’occasion de faire sauter les verrous. Cela n’en prend malheureusement pas le chemin.

Dernière modification le mercredi, 03 février 2021