L'ACTUALITÉ

Actions contre des rachats de LBM par les financiers : la loi, rien que la loi, mais toute la loi

26 février 2015

Le SDB s'est battu pendant des années pour empêcher, puis endiguer, la financiarisation de la profession. Après de trop longues années de tergiversations, le cadre législatif est maintenant limpide et impose de façon très claire que la majorité du capital et des droits de votes soit détenue par les biologistes en exercice dans la SEL.

Toutefois, il reste encore des trous de souris par lesquels les financiers tentent de passer. Le SDB a donc décidé d'être d'une grande vigilance juridique et de contester toute prise de participation majoritaire, par des financiers, de laboratoires appartenant majoritairement à des biologistes en exercice au sein de la SEL. Points sur les affaires en cours et retour sur une bataille au long cours.

La fin de 20 ans de débats sur le caractère médical du biologiste ?

En 2013, Mme Marisol Touraine et le parlement pensaient mettre fin à 20 années de débats en accolant clairement à « biologie » le qualificatif de « médical ». Tout est dans ce qualificatif, car qui dit médical implique une conception du métier centrée non pas sur le tube à analyser, mais sur le patient à soigner, sur l’humain. Ceci donne au biologiste, comme au médecin, une responsabilité particulière : celle de subordonner au service du patient toute autre considération, à commencer par ses intérêts financiers. Non pas qu’ils dussent les ignorer, mais les cantonner à leur juste place. C’est pour cela que nous sommes formés, formatés même et encadrés par ce qu’on appelle la déontologie. Et comme la responsabilité ne se conçoit pas dans la subordination, mais dans une certaine forme d’indépendance, il importe que celle du biologiste soit préservée.

Une législation maintenant claire

En créant l’article 6223-8 du CSP, la loi de 2013 a entendu sanctuariser le principe de l’exclusion de la biologie du bénéfice de la dérogation à la règle de détention majoritaire du capital d’une SEL par les biologistes y exerçant fixé par l’article 5 de la loi du 31 décembre 1990. Cela signifie que le cadre législatif est maintenant limpide : l’article 5 de la loi de 1990 s’applique dans toute sa portée à la biologie médicale, et impose que la majorité du capital et des droits de votes soit détenue par les biologistes en exercice dans la SEL.

En adoptant cet article, le but clairement affiché à la fois par Mme Marisol Touraine, mais également par les parlementaires, tous partis confondus, était de mettre fin à la financiarisation de la biologie. Il n’est qu’à se référer aux débats parlementaires et aux multiples déclarations de Mme la Ministre.

Les financiers forcent pourtant encore la porte des SEL de biologistes médicaux

Cela n’empêche toutefois pas les financiers d’essayer de continuer à forcer la porte de nos SEL. Sous la pression des lobbies financiers, le Gouvernement n’a pas osé leur imposer de se mettre en conformité avec le principe réaffirmé de détention majoritaire du capital sous un délai convenable, comme il l’avait fait pour les SEL de pharmacies. Le titre II de l’article 6223-8 laisse aux SEL qui ont appliqué la dérogation du 5-1 la possibilité de continuer à en bénéficier :

« Les sociétés d'exercice libéral de biologistes médicaux créées antérieurement à la date de promulgation de la loi n° 2013-442 du 30 mai 2013 portant réforme de la biologie médicale et qui, à cette date, ne respectent pas le I du présent article ou le I de l'article 10 de la même loi conservent la faculté de bénéficier de la dérogation prévue à l'article 5-1 de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 précitée. »

Que veut dire exactement «conservent la faculté de bénéficier de la dérogation prévue à l’article 5-1 » ? Tout le débat est là !

 

Une « contamination » de type 5-1 par rachat, illégale aux yeux du SDB

Dans l’esprit du législateur, ces sociétés sont là, elles existent, et peuvent continuer d’exister en bénéficiant de leur dérogation à la loi. Cela est incontestable pour elles-mêmes, constituées avant mai 2013. Mais ont-elles le droit, en rachetant des SEL qui n’ont pas bénéficié de cette dérogation, de les faire basculer dans le statut dérogatoire ?

C’est clairement NON, pour le SDB et pas que pour lui. Pour nous, l’article 6223-8 empêche toute SEL, qu’elle bénéficie ou non de la dérogation du 5-1, de devenir majoritaire dans le capital d’une SEL qui n’a pas appliqué le 5-1 avant mai 2013, ne serait-ce qu’une fraction de seconde.

 

La loi est claire, elle doit être appliquée et le SDB fera tout pour qu’elle le soit

Selon le SDB, depuis mai 2013, toute prise de participation majoritaire ou opération de fusion-absorption menée par des tiers, et en particulier par les SEL des réseaux contrôlés par les financiers (les Cerba, labco, Novescia, Unilabs, …), à l’égard d’une SEL non dérogatoire, est illégale.

Toute autre interprétation est, pour le SDB, un abus de droit qu’il entend faire trancher par un tribunal administratif, un tribunal de commerce ou par les instances déontologiques. Il soutiendra tout biologiste qui constaterait dans sa région que le droit n’est pas appliqué strictement par les ARS.

 

Le SDB refuse de laisser se créer deux biologies

Il n’appartient pas au SDB de faire la loi, mais en l’occurrence, quand la loi est faite, il lui appartient de la défendre dans l’intérêt de la profession. Ce n’est en effet pas maintenant qu’il a obtenu, après une lutte tenace de plusieurs années, un arbitrage politique favorable à l’arrêt de la financiarisation qu’il va laisser perdurer le détournement de la lettre et de l’esprit de la loi.

Si le SDB ne défendait pas la loi de 2013 en ce qui concerne la détention du capital des SEL de biologistes médicaux, il laisserait se créer deux biologies : d’un côté, une biologie aux biologistes, contrainte de respecter la loi, les détentions de capital, les territoires de santé, les professions interdites ; de l’autre, une biologie financière, hors de la loi, dérogatoire et pouvant s’affranchir de toutes les contraintes qui brident la première, s’introduire en bourse, ramasser tous les capitaux qu’elle veut et exercer une concurrence par là même déloyale! Un non-sens !

Mais le SDB n’est pas la biologie. La biologie est aux biologistes et c’est aux biologistes de défendre leurs droits et d’être en cohérence avec eux. C’est à eux de se battre s’ils constatent que leur ARS ne fait pas respecter la loi. Le SDB mettra à la disposition de leurs conseils toute sa force et toute son expérience. Il ne fera pas respecter leurs droits à leur place, mais il les soutiendra, donnera le cadre, informera les ARS et le ministère, pèsera derrière eux de tout son poids… s’ils sont adhérents, bien sûr !


La crainte doit changer de camp : trois affaires devant les tribunaux

Trois affaires sont déjà entre les mains des instances ordinales et des tribunaux :
• Dans le Tarn-et-Garonne, un grand réseau de financiers, par l’intermédiaire d’une SEL, s’est porté acquéreur d’une autre SEL détenue par un biologiste-personne physique. L’ARS de Midi-Pyrénées a ratifié cette acquisition par un arrêté. Cet arrêté a été attaqué par un confrère local et le SDB s’est joint solidairement à la procédure dans le but de faire dire le droit.
• En PACA la situation est la même et c’est un arrêté de l’ARS de PACA qui est attaqué par un confrère local. Là aussi le SDB s’est joint à la procédure.
• En Normandie, la situation est encore plus confuse. Le rachat d’une SEL locale par un réseau de financiers a montré que l’opération conduisait ce dernier à détenir la totalité du capital de la SEL, en contradiction totale avec la législation. Des confrères locaux ont mis en demeure l’ARS de mettre ce laboratoire en conformité et des procédures ordinales sont en cours. Là également le SDB soutient cette action.

Certes ces litiges ne sont pas encore jugés, donc pas gagnés, et le SDB n’a pas la garantie qu’ils soient clairement tranchés sur le fond en faveur de son analyse de la loi, les tribunaux pouvant éventuellement se limiter à annuler les décisions des ARS sur des questions de forme. Et vu la vitesse à laquelle la juridiction administrative se prononce, elles ne le seront pas avant plusieurs mois. Mais ils font peser sur le rachat de SEL par des structures financières bénéficiant de la dérogation du 5-1 un risque juridique considérable. Ils indiquent également la voie à suivre pour nos confrères qui voient arriver dans leur secteur des financiers le carnet de chèques à la main. Ils doivent rendre prudents nos confrères tentés par les sirènes de ce même carnet de chèques. La crainte doit changer de camp.

 


Pour comprendre la lutte contre la financiarisation de la biologie médicale : de la loi Murcef de 2001 à la loi de 2013

Le célèbre article 5-1 de la loi de 1990 permettant de déroger à la règle de détention majoritaire du capital d’une SEL par des professionnels exerçant au sein de celle-ci a été créé, et intégré dans la loi du 31 décembre 1990, par la loi du 11 décembre 2001 dite « loi Murcef ». Dès que les premières sociétés financières se sont appuyées sur des biologistes pour s’engouffrer dans cette faille, le SDB s’est mobilisé sans relâche, et il faut bien le dire sans trop de succès, pour lutter contre la financiarisation de la biologie. Les pressions exercées par la Commission Européenne, par Bercy, par l’Inspection générale des Affaires sociales (IGAS), par Labco, tout concourrait à faire basculer la biologie dans les services « Bolkenstein », avec un gouvernement partagé sur le sens à donner à la réforme Ballereau, 400 labos plutôt que 4000.


Pourtant, notamment s’agissant d’une profession aussi sensible que la biologie, la dérogation de l’article 5-1 n’aurait jamais dû être une fatalité, puisque ce même article prévoyait qu’elle pourrait être neutralisée, par voie de décrets, compte tenu des nécessités propres à chaque profession, si cette dérogation était de nature à porter atteinte à l'exercice de la profession, au respect de l'indépendance de ses membres ou de ses règles déontologiques propres. Hélas, bien que maintes fois réclamé et promis, aucun décret de neutralisation du 5-1 concernant la biologie n’est paru, et les financiers, sûrs de leur force, en ont profité pour s’immiscer de plus en plus fortement dans la biologie.

De 2001 à 2013, toute la question s’est concentrée sur l’adoption de ce décret tant attendu. Pour le Gouvernement, le faire paraitre c’était défier la Commission européenne et les lobbies financiers incrustés dans la biologie, et renoncer au mirage des économies procurées par une industrialisation à outrance. La décision s’est cristallisée en 2009-2010. Attaquée par la Commission Européenne sur plainte de Labco, la France, poussée par le SDB, se décidait à défendre sa conception protectrice de la détention du capital des laboratoires devant la Cour de Justice de l’Union Européenne. Amenée à se prononcer, notamment, sur la validité, au regard du droit communautaire, des dispositions du décret de 1992 limitant à 25 % au plus la détention du capital d’une SEL de biologistes par un non-biologiste, la Cour avait, en décembre 2010, livré une réponse positive au regard des objectifs de protection de la santé publique poursuivis à travers cette règle restrictive. Dès lors, l’adoption d’un décret neutralisant le 5-1 n’était plus qu’une question de temps. C’est en fait dans la loi de 2013, par la création de l’article 6223-8 du CSP, que le principe de l’exclusion de la biologie du bénéfice de la dérogation à l’article 5 était sanctuarisé.


 

Dernière modification le mercredi, 02 septembre 2015